Les allergies respiratoires

L’allergie, en touchant jusqu’à 30% de la population dans les pays industrialisés, constitue un véritable problème de santé publique (1). Il s’agit d’un phénomène en pleine croissance puisque la prévalence des maladies allergiques aurait doublé depuis ces 30 dernières années, en particulier chez les enfants (2). La rhinite allergique touche à elle seule environ 25% des adultes (3). Les mécanismes allergiques sont impliqués chez la majorité des patients asthmatiques, qui présentent très fréquemment une rhinite allergique associée.

 

QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUE DE L’ALLERGIE ?

Deux facteurs ont un impact sur la survenue de l’allergie :

  • Les antécédents familiaux : le risque de développer une allergie est plus élevé si les parents sont eux-mêmes allergiques (un individu qui n'a aucun parent allergique aura 5 à 15% de risque de développer une allergie, tandis qu'un individu ayant ses deux parents allergiques aura 40 à 60% de risque).
  • L’environnement de la personne joue aussi un rôle important dans la survenue de mécanismes allergiques (habitat, animaux domestiques, tabagisme passif).

 

COMMENT RECONNAÎTRE UNE ALLERGIE RESPIRATOIRE ?

Symptômes principalement rencontrés dans l’allergie respiratoire :

  • la rhinite : prurit, rhinorrhée, obstruction nasale ;
  • la conjonctivite : prurit, rougeur, larmoiement, la toux ;
  • l’asthme : respiration sifflante, toux, dyspnée, oppression thoracique.

Ces symptômes sont variés et le plus souvent non spécifiques de l’allergie. Certaines caractéristiques peuvent cependant orienter le diagnostic vers un mécanisme allergique :

  • symptômes persistants ou récidivants ;
  • symptômes résistants au traitement de 1ère intention ;
  • association de symptômes touchant différents organes (symptômes respiratoires et digestifs ou cutanés) ;
  • parfois un facteur déclenchant peut être identifié.

Des symptômes digestifs peuvent apparaître secondairement à une allergie respiratoire. En effet, il existe une communauté de structure entre des protéines contenues dans les pollens et celles de certains aliments d’origine végétale tels que les fruits, les légumineuses et les fruits à coque. Il s’agit le plus souvent d’un syndrome oral (prurit, gonflement des lèvres), qui survient secondairement à l’allergie aux pollens.

 

EVOLUTION DE L’ALLERGIE

L’allergie respiratoire touche rarement les enfants de moins de 2 ans, davantage concernés par les allergies alimentaires. Sa fréquence augmente avec l’âge pour atteindre un plateau chez le grand enfant et l’adulte.

Les symptômes et les sensibilisations évoluent ainsi au cours du temps. Une réévaluation régulière du patient, avec interrogatoire et tests biologiques, est donc nécessaire pour adapter la prise en charge.

 

COMMENT IDENTIFIER LES ALLERGÈNES RESPONSABLES DES SYMPTÔMES ?

Si le diagnostic d’allergie respiratoire est envisagé, l’histoire clinique du patient permet d’identifier les allergènes qui seraient susceptibles de provoquer les symptômes.

Ainsi, si les symptômes persistent toute l’année, les allergènes perannuels pourront être évoqués :

Catégorie Exemples les plus fréquents
Les acariens domestiques

d1 Dermatophagoides pteronyssinus
d2 Dermatophagoides farinae

Les animaux domestiques e1 Chat
e5 Chien
Les moisissures m6 Alternaria
La Blatte i6 Blatte germanique

Les moisissures sont cependant surtout présentes au printemps, en été et en automne.
 

Si les symptômes sont saisonniers, les pollens sont le plus souvent impliqués. En France, les deux principaux pollens à fort risque allergique sont les pollens du bouleau et les pollens de graminées. Sur le site www.diagnosticallergie.fr, il est possible de consulter le calendrier pollinique de chaque région. Il existe trois grande périodes polliniques : les pollens d'arbres à la fin de l'hiver, les pollens de graminées au printemps et les pollens d'herbacées et d'ambroisie à la fin de l'été et à l'automne.

Attention, des allergènes alimentaires peuvent parfois être responsables de symptômes respiratoires.

Les patients allergiques sont le plus souvent polysensibilisés (80%), avec en moyenne 3 allergènes impliqués dans la symptomatologie (4). C’est l’exposition cumulée à l’ensemble de ces allergènes qui déclenche les symptômes. Il est donc primordial de connaître tous les allergènes en cause pour optimiser les mesures de contrôle de l’environnement, ceci afin de ne pas atteindre le seuil de déclenchement des symptômes, et ainsi d’améliorer la qualité de vie du patient.

 

LES TESTS BIOLOGIQUES

Les tests sanguins ont l’avantage de pouvoir être réalisés à tout âge et ne nécessitent pas d’être à jeun. Ils ne sont pas influencés par les traitements (y compris les anti-histaminiques), les symptômes ou la présence d’une grossesse. Ces tests exigent un faible volume de sérum : 100 μl + 40 μl par test.

 

TESTS DE DÉPISTAGE

Les tests sanguins de dépistage de l’allergie, en complément des données de l’interrogatoire, permettent d’exclure ou de confirmer l’étiologie allergique avec une plus grande efficacité. Ils aident à écarter le diagnostic (valeur prédictive négative proche de 90% (5)) et évitent ainsi des traitements par antihistaminiques ou des évictions alimentaires inutiles et inefficaces.

Il s'agit de la recherche d’IgE spécifiques vis-à-vis de mélanges d’allergènes groupés (résultat global, positif ou négatif) :

  • ImmunoCAP® Phadiatop : dépistage d’une allergie aux pneumallergènes courants par 1 mélange (acariens, pollens, moisissures, animaux)
  • ImmunoCAP® Trophatop : dépistage d’une allergie aux aliments courants par 3 mélanges d’aliments, différents pour les enfants et les adultes.

Trophatop Adulte :

  • fx5 : blanc d’oeuf, lait de vache, arachide, poisson, soja, blé
  • fx24 : noisette, crevette, kiwi, banane
  • fx25 : ail, levure de bière, sésame, céleri

Trophatop Enfant (< 15 ans) :

  • fx26 : blanc d’oeuf, lait de vache, arachide, moutarde
  • fx27 : poisson, soja, noisette, blé
  • fx28 : crevette, boeuf, kiwi, sésame


Si, malgré un test de dépistage négatif, la suspicion d’allergie persiste, le patient doit être adressé à un allergologue.

 

TESTS D’IDENTIFICATION

En cas de test de dépistage positif, la recherche par l’anamnèse des allergènes impliqués pourra être complétée par des tests sanguins d’identification : dosages d’IgE spécifiques d’une “source allergénique”. L’identification du ou des principaux allergènes en cause permet de mettre en place un traitement symptomatique, des mesures de contrôle de l’environnement ou d’éviction alimentaire selon le cas, afin d’améliorer la qualité de vie et la prise en charge du patient.

Un résultat positif (> 0,1 kUA/L) est le témoin d’une sensibilisation à l’allergène concerné. Le taux peut varier entre 0,1 et >100 kUA/L. Plus la valeur est élevée, plus le risque d’allergie est élevé, mais il n’y a pas de valeur seuil établie pour définir une allergie de manière certaine et le taux n’est pas proportionnel au risque de gravité.

Les dosages d’IgE spécifiques vis-à-vis d’allergènes moléculaires, également appelés “recombinants” ou “composants allergéniques”, peuvent constituer une seconde étape dans les tests d’identification. Une source allergénique contient plusieurs composants allergéniques qui, en fonction de leur stabilité et leur degré d’homologie avec les composants allergéniques d’autres sources, vont permettre d’améliorer la précision du diagnostic et du pronostic. Les intérêts du diagnostic allergologique moléculaire sont les suivants :

  • Etablir un diagnostic de certitude, permettant d’indiquer une éventuelle immunothérapie spécifique (désensibilisation) ;
  • Mettre en évidence d’éventuelles réactions croisées ;
  • Prédire la sévérité des symptômes ainsi que le risque de persistance de l’allergie ;
  • Personnaliser la prise en charge du patient : il est notamment possible d’adapter le régime alimentaire selon les propriétés des composants allergéniques (ex : une protéine thermolabile autorisera la consommation de l’aliment cuit).

 

IGE TOTALES

Il s'agit de la mesure de toutes les IgE, sans connaître leur spécificité. Le dosage des IgE totales n’est pas recommandé dans le dépistage de l’allergie, il présente un intérêt uniquement dans certaines indications (polysensibilisations, dermatite atopique, ...) et chez l’enfant de moins de 3 ans en cas de suspicion de maladie atopique sans orientation étiologique (recommandations HAS 2005). En effet, 20% des sujets sains ont des taux d’IgE totales élevés et 50% des patients allergiques ont des taux normaux (6). Dans le diagnostic de l’allergie, il est préférable de réaliser en première intention les tests sanguins de dépistage (Trophatop, Phadiatop).

 

TESTS MULTI-ALLERGÉNIQUES D’ORIENTATION (EX : CLA-30®)

Ce sont des tests unitaires, qui apportent une réponse semi-quantitative vis-à-vis de 30 allergènes fixés sur un même support. Il existe différents types de tests multi-allergéniques d’orientation, qui comportent soit un panel de pneumallergènes, soit un panel de trophallergènes, soit un panel “mixte” de pneumallergènes et de trophallergènes.

L’interprétation de ces tests est délicate, notamment en raison de l’existence de faux positifs (réponses non spécifiques), liés par exemple à des réactions croisées ou des IgE totales élevées. Les niveaux de sensibilité et de spécificité sont également très variables en fonction des tests, des allergènes et des techniques. Ces tests ne constituent donc pas des tests de dépistage de l’allergie, ils ne doivent être prescrits que dans certaines indications particulières (recommandations HAS 2005).

 

RÈGLES DE PRESCRIPTION

Les dosages d’IgE spécifiques sont remboursés selon la nomenclature des actes de biologie médicale.

Peuvent être prescrits sur une même ordonnance :

  • En première intention : un test de dépistage de l’allergie respiratoire + un test de dépistage de l’allergie alimentaire (ex : Phadiatop® + Trophatop®). Les tests de dépistage ne sont pas cumulables avec les IgE spécifiques pneumallergènes et trophallergènes.
  • En identification (IgE spécifiques vis-à-vis d’allergènes individuels) : il est possible de cumuler jusqu’à 5 pneumallergènes + 5 trophallergènes + 5 venins d’hyménoptères + 5 médicaments + 1 latex.

Le dosage des IgE totales ainsi que les tests multi-allergéniques d’orientation ne sont pas cumulables avec les autres tests d’allergie (sauf IgE spécifiques venins, médicaments et latex).

 

CE QU’IL FAUT RETENIR

  • La prévalence de l’allergie est en pleine croissance depuis plusieurs dizaines d’années dans les pays industrialisés, en particulier l’allergie respiratoire.
  • Les symptômes de l’allergie sont variés et souvent non spécifiques. Ils évoluent au cours du temps.
  • Le diagnostic d’allergie doit toujours se baser sur la combinaison des résultats des tests d’allergie, de l’examen clinique et de l’histoire de l’allergie du patient.
  • Les tests sanguins de dépistage permettent de confirmer ou d’exclure une allergie avec une grande efficacité.
  • Le dosage des IgE spécifiques permet dans un second temps d’identifier les allergènes en cause. Un résultat positif est le témoin d’une sensibilisation.
  • Il existe des règles de prescription établies dans la nomenclature des actes de biologie médicale et certains tests d’allergie ne sont pas cumulables sur une même ordonnance.

 

Bibliographie :
1. Pawankar (Ed) et al. White book on allergy, 2011; World Allergy Organisation UK.
2. Worldwide variation in prevalence of symptoms of asthma, allergic rhinoconjunctivitis, and atopic eczema: ISAAC. The International Study of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC) Steering Committee. Lancet 1998 ; 351 : 1225-32
3. Prevalence and rate of diagnosis of allergic rhinitis in Europe. Eur Respir J. 2004
4. Petersson CJ. et al. Sensitization profile in undiagnosed children with skin and respiratory allergy-like symptoms in primary care. Abstract presented at WAO, Buenos Aires, Argentina 6–10 December 2009.
5. The utility of specific immunoglobulin E measurements in primary care. Duran-Tauleria E. et al. Allergy 2004 ; 59 (suppl 78) : 35–41
6. Global Strategy for Asthma Management and Prevention, Global Initiative for Asthma (GINA) 2011; Disponible sur le site : http://www.ginasthma.org/.
7. Haute Autorité de Santé. Synthèse sur les indications du dosage des IgE spécifiques dans le diagnostic et le suivi des maladies allergiques – Mai 2005